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| 61940 | MCM REV XXI | autres textes imprimés | 44 - MCM (Nantes) | Disponible |
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| 54603 | XXI-28 | autres textes imprimés | 69 - FORUM REFUGIES (Lyon) | Disponible |
Dépouillements
Ajouter le résultat dans votre panier[article]Le rêve de Lagos GALKOWSKI, Nicolas - In : XXI, automne 2014 (01/12/2014), N°28, P. 30-39
Lagos, plus grande ville du Nigeria et cinquième ville du monde en terme de population, est bâtie sur des marais inondables et coincée sur une lagune au bord du golfe de Guinée. Ses vingt millions d'habitant·es étouffent et les autorités sont prêtes à tout projet d'agrandissement grâce à l'argent du pétrole nigérian. A l'entrée de la lagune, des grues ont élevé une muraille longue de huit kilomètres repoussant les assauts des vagues. Peu à peu l'océan s'est retiré, asséché sous 700 000 tonnes de sable. D'immenses carrés creusés dans le sable délimitent les futures constructions d'un nouveau quartier (gratte-ciel, école, hôpital, centrale électrique et station d'épuration).
Depuis des siècles, les "gens du chemin" vivent isolés au plus profond de la forêt équatorienne et leur existence n'a été découverte que récemment. Leur isolement remonte au début des années 1980, lorsque la multinationale Texaco commence à exploiter les réserves de pétrole sur le territoire des Indiens waorani. Alors qu'une partie de ce peuple s'adapte aux nouveaux conquérants, les "gens du chemin" s'enfoncent dans les profondeurs de la forêt amazonienne pour échapper à cet impérialisme colonial. Le paradoxe de leur histoire veut que, au moment où ce peuple autochtone commence à exister aux yeux du monde, sa subsistance se trouve menacée par le recul de la forêt et la catastrophe écologique laissée par Texaco.
Lorsque son père a été victime d'un accident vasculaire cérébral en 2005, Doan Bui a ressenti l'impérieuse nécessité de se rendre au Viêtnam pour comprendre l'histoire de sa famille, retrouver les ruelles du vieux quartier de Hanoï où déambulait son père et poser des questions aux gens susceptibles de compléter un récit de vie inachevé. Mais, dès son arrivée à Hanoï, une autre réalité s'impose à elle : les rizières de l'enfance paternelle ont été remplacées par des buildings de verre, les ornières ont cédé la place aux routes goudronnées pour les voitures. Son père lui a raconté un monde qui n'existe plus et qui ne peut pas répondre à ses questions.
Avant la chute de l'Union soviétique, le village de Lichk en Arménie vivait des usines et de la pêche. Depuis, le travail s'est raréfié et les hommes vont le chercher en Russie. Chaque année, ils laissent le village aux mains des femmes pendant huit mois et ne retrouvent leur famille qu'en hiver, lorsque le froid gèle les chantiers russes. Les photographies montrent les femmes occupées aux travaux des champs et aux tâches quotidiennes et des scènes de vie familiale autour des femmes et des vieillards, sans les hommes.
Dans l'océan de béton du "9-3", il est difficile de faire classe à des enfants qui vivent confinés dans des logements sociaux, sans jamais voir la nature ni la vie en dehors de la cité. Pour pousser les murs et briser le face-à-face conflictuel entre enseignant·es et élèves, les professeur·es du collège Jean Jaurès de Pantin organisent une randonnée à vélo et emmènent les jeunes à la rencontre d'une France rurale qu'elles·ils ne connaissent pas et qu'elles·ils imaginent en sabots. Au fil de l'échappée et des rencontres avec les Français·es des territoires ruraux, les clichés cèdent le pas.
Dans les années 1980, Solidarnosc, un syndicat polonais dirigé par Lech Walesa, donnait le signal de la lutte contre les régimes politiques d'Europe de l'Est. Aujourd'hui, Zbigniew Bujak, ancien syndicaliste de Solidarnosc passé dans la clandestinité, poursuit son rêve de liberté en Ukraine car il estime de son devoir de "transmettre l'essence de ce que fut l'expérience polonaise". Venu pour aider les Ukrainiens à s'émanciper de l'autorité russe, Bujak veut faire bouger la société en profondeur, en lui évitant le piège de l'économie libérale dans lequel est tombé la Pologne.
Au début des années 2000, des rêves plein leurs bagages, M. et Mme Zhang ont quitté la Chine pour la France. Après un voyage de trois mois, cachés à l'arrière de camions, ils sont arrivés à La Courneuve et découvrent ce "si beau pays", où leur quotidien se résume à passer du lit à la machine à coudre pour les ateliers de confection chinois clandestins. Dix ans plus tard, leur situation économique et sociale ne s'étant pas améliorée et la préfecture ayant encore refusé leur régularisation, ils se résignent à rentrer au pays. Mais la ville de Whenzhou a complètement changé entretemps, le niveau de vie a nettement progressé, de sorte que l'impression de perdre la face et l'angoisse de devoir justifier son échec en France submergent M. Zhang : "Je suis parti de Chine les mains vides et je rentre les mains vides".
Ancien garde du corps de Yasser Arafat, Khaled Jarrar continue de défendre l'idée d'un État palestinien et utilise l'art comme une arme non-violente dans son atelier proche de Ramallah. Obsédé par la question du contrôle de la population dans les territoires occupés, Khaled Jarrar imagine un faux visa de circulation "État de Palestine" à l'emblème du passereau noir aux ailes bleues qu'on ne trouve que sur sa terre natale. Conscient de son rôle d'influenceur, il refuse d'être considéré comme le "Palestinien de service" et revendique le droit d'être jugé sur son œuvre artistique au-delà des préjugés de part et d'autre de la frontière.
Traducteur du Coran en français, Malek Chebel a consacré sa vie à l'étude du monde musulman, persuadé que les intellectuels ont un rôle d'éclaireur afin de porter un "islam des Lumières". Après une évocation de son enfance heureuse en Algérie et de ses brillantes études en arabe et en latin, il revient sur l'arrivée de professeurs extrémistes religieux venus d'Égypte, qui a marqué le démarrage de l'islamisation en l'Algérie. Son destin d'interprète éclairé de l'islam s'est alors imposé, pour nourrir la culture du débat et la tolérance et refuser que quelques esprits moyenâgeux érigent leur vision obscurantiste de l'islam en règle universelle.
