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| 68071 | MCM REV XXI | autres textes imprimés | 44 - MCM (Nantes) | Disponible |
Dépouillements
Ajouter le résultat dans votre panier[article]Les chapelles ardentes de Manille MULLER, Bénédicte - In : XXI, printemps 2018 (01/03/2018), N°42, P. 32-41
Aux Philippines, le président Rodrigo Duterte livre une guerre totale aux petits dealers et aux camés qui vivent traqués dans les bidonvilles de Manille. Pour éviter que les policiers ne les tuent, des prêtres cachent ces malheureux dans les églises. Depuis la victoire du "Punisseur" à l'élection présidentielle de mai 2016, la police déclare avoir tué 3500 personnes lors d'opérations antidrogue mais les organisations des droits de l'homme évoquent 13000 morts et dénoncent le recours à des tueurs professionnels, pour satisfaire l'injonction du président qui jure de "jeter tant de corps dans la baie de Manille que les poissons seront obèses". Cette guerre contre la drogue est en réalité une guerre contre les pauvres qui subsistent comme ils peuvent pour nourrir leur famille.
Autrefois, le parc national de Bamingui-Bangoran au nord-est de la Centrafrique était l'un des plus riches en faune du pays. Des rangers armés et surentraînés assuraient sa protection, avant de devenir eux-mêmes des braconniers et des rebelles, faisant du parc un mirage. Sur le papier, le projet Ecofaune+ couvrait un territoire de 100000 km2 consacré à la conservation de la faune sauvage et à la "chasse sportive". Aujourd'hui, il a réduit ses ambitions et ne prévoit de défendre qu'un dixième de sa superficie avec de nouveaux gardes inquiets pour leur sécurité. Braconniers et pisteurs se connaissent bien car ils ont parfois travaillé ensemble et s'observent sur le terrain. Maintenant que le projet redémarre, certains "rebelles" aimeraient à nouveau changer de camp et réintégrer le parc qui leur garantissait statut et salaire.
Ramush Haradinaj, le Premier ministre kosovar à la cinquantaine sportive et à la coupe militaire, a exercé tous les métiers, de chauffagiste à videur de discothèque en passant par contrebandier, et a recouru à tous les moyens pour accéder au pouvoir. En mars 1998, la bataille de Gllogjan marque le début de sa légende et la naissance de "Rambo", comme on le surnomme depuis qu'il a défendu son village et son clan assiégés par l'armée serbe. Au printemps 1999, le Kosovo vit une transition sanglante après le retrait de l'armée serbe et l'administration provisoire de la Kfor (force internationale de l'OTAN). En l'absence d'État, l'ancienne province sombre dans la violence. En 2000, "Rambo" crée son propre parti aussitôt soutenu par les Etats-Unis. L'ex-guérilléro est nommé Premier ministre mais, au bout de cent jours, le Tribunal pénal international annonce son inculpation pour crimes de guerre. Faute de témoins, qui ont commencé à "disparaître" les uns après les autres, Ramush Haradinaj est relaxé.
Ils sont sans domicile fixe, chômeurs, jeunes en galère, travailleurs précaires ou migrants et n'ont ni eau chaude ni salle de bains dans leur logement mais veulent rester propres. Ce sont les gens du miroir, portraitisés par Florence Levillain dans l'intimité des 17 établissements de bains-douches à Paris, dont l'accès est gratuit depuis le 1er mars 2000.
Dans les années 1980, les Corses luttaient férocement pour protéger leur littoral contre les promoteurs : les nationalistes faisaient sauter les villas des continentaux, tandis que les écologistes saisissaient la justice. Aujourd'hui, avec les autonomistes au pouvoir depuis 2015, "rendre un terrain constructible est plus rentable que le trafic de drogue", déclare un juriste amer, qui dénonce le double discours des nationalistes. D'un côté ils défendent la terre corse, de l'autre ils affirment aux citoyens corses qu'ils pourront encore construire ! Prolifère ainsi une économie des résidences secondaires "tout sauf durable" qui s'oppose violemment aux associations écologistes accusées d'empêcher la Corse de se développer.
Au Japon, l'industrie nucléaire et la mafia entretiennent des liens anciens. Le lobby atomique prône le nucléaire propre mais recrute sa main d'oeuvre dans les bas-fonds, grâce à la mafia qui lui permet de contourner les règles de sécurité fixées par l'État. Or la catastrophe de Fukushima en 2011 a bouleversé la situation et les parrains, qui régnaient jusqu'alors sur le recrutement des ouvriers, cherchent aujourd'hui leur place. Pendant quelques années, la "catastrophe" a été synonyme de plein emploi : ouvriers, liquidateurs et décontamineurs affluaient de tout le pays et les yakuzas prenaient leur part à cette activité florissante. Parmi les "cinquante de Fukushima" qui ont risqué leur vie pour décontaminer le site après l'accident, se trouvaient des yakuzas. Mais, lorsque la communauté internationale a découvert avec indignation l'infiltration de la centrale de Fukushima par la mafia, l'État japonais a demandé à Tepco (Tokyo Electric Power Company) de faire le ménage.
Le habitants des régions arctiques tirent leurs revenus de la chasse au phoque depuis toujours. Historiquement, le phoque est au cœur du mode de vie des 150000 Inuits, peuple de chasseurs nomades vivant entre le Groenland, le Canada et les États-Unis. Or, dès les années 1960, la chasse au phoque a été déclarée "mal absolu" par les associations internationales de défense des animaux, conduisant à l'interdiction par l'Union européenne de la vente de fourrure de bébés phoques, type de peau que les Inuits ne vendent pas. Mais la campagne de pression a jeté le discrédit sur toutes les peaux de phoques, ce qui a entraîné l'effondrement du marché et de l'économie inuit, alors que le phoque n'est pas une espèce en danger. Alethea Arnaquq-Baril raconte le combat de son peuple pour continuer à exister et tient à rétablir la vérité sur l'art de vivre des Inuits et leur implication dans la protection de l'environnement.
Dans la métropole égyptienne d'Alexandrie, les promoteurs démolissent les vieux immeubles pour construire des gratte-ciel. La règle est simple : lorsqu'une maison est détruite, le promoteur offre à ses propriétaires résidents un logement dans le nouvel immeuble ou un backchich pour éviter toute discussion et conclure l'affaire rondement. Or ces nouvelles constructions à la va-vite "pour faire un maximum d'argent" sont souvent réalisées dans l'illégalité et s'écroulent régulièrement.
Née à Port-au-Prince en Haïti, fille d'un intellectuel progressiste ciblé par Duvalier comme contestataire, arrêté et torturé puis relâché en guise d'avertissement, Michaëlle Jean a dû s'exiler enfant avec toute sa famille au Canada. Comme tous les déracinés, elle a appris à se reconstruire dans un autre pays, sous un autre climat et à se fondre dans une histoire collective qui n'était pas la sienne. Après être devenue la première journaliste noire de Radio-Canada, elle a été nommée gouverneure générale du Canada puis secrétaire générale de l'OIF (Organisation internationale de la francophonie). Michaëlle Jean évoque son combat contre le racisme, contre les politiques migratoires qui différencient exilés économiques, réfugiés politiques et déplacés climatiques et elle rappelle que l'accueil des migrants est une richesse. Elle plaide pour l'engagement de l'OIF dans la crise migratoire, contre le terrorisme et pour le maintien de la paix, sans minimiser son rôle de vecteur de la langue et de la culture françaises dans le monde.
Quatre fois par an, le bateau "Marion Dufresne", qui assure la rotation scientifique dans l'océan Pacifique Sud, quitte l'île de La Réunion en direction des îles Kerguelen. Hippolyte a embarqué pour cette virée à la rencontre des scientifiques, des manchots et des éléphants de mer qui peuplent les terres australes et antarctiques françaises. Son projet de récit dessiné est destiné à interroger le climat, les hommes et l'environnement car les terres australes constituent un poste d'observation unique. Sur cette contrée presque vierge, le voyageur prend conscience de l'état de délabrement de l'environnement planétaire et des effets négatifs des activités humaines sur la faune : aux Kerguelen, les manchots sont stressés par la présence des quelques humains, ce qui entraîne une diminution constante de leur population. Les scientifiques, conscients de leur interaction avec le milieu, se demandent s'il faut maintenir une présence humaine dans ces conditions.
